Je vais maintenant vous conter de la « GUILLEBRETTE ».
Mot du compagnonnage désignant une danse cérémonielle.
Pourquoi avoir écrit sur les compagnons et le compagnonnage ?
Comme beaucoup je suis amoureux de « la bel-ouvrage et il m’arrive bien souvent d’admirer certaine réalisations effectuées par des compagnons. Il faut avouer que dans la région de Touraine où je réside (la vallée des châteaux), que nous sommes privilégiés en ce domaine. De même qu’à Tours se trouve un splendide musée dédié aux compagnons.
Il m‘est donc venu à l’idée de connaître ce milieu que l’on dit fermé, voir ésotérique, et pour d’aucuns même sectaire.
J’ai donc empoigné mon bâton de pèlerin (ainsi que du papier et des stylos), rencontré nombre de compagnons, admirer (tous métiers confondus) leur travail, effectuer de nombreuses (et longue) recherches pour ensuite être en possession de nombreuses notes et documents. Et c’est ainsi qu’en moi a germé le projet d’écrire un ouvrage sur EUX !
Il m’aurait été aisé de concocter un bouquin thématique, mais bien souvent ce genre de réalisation se révèle à la longue rébarbative.
J’ai donc préféré CREER une fiction à partir de la réalité en animant divers personnages et les faisant évoluer dans la réalité de leur milieu, au XIXème siècle, grande époque. Epoque où il existait trois sociétés (ou Devoirs), à savoir :
- Les enfants de Maître Soubise
- Les enfants de Maître Jacques (compagnons du Devoir)
- les enfants de Salomon (compagnons du Devoir de Liberté).
Un furieux antagonisme opposait ces différents membres et il était malheureusement fréquent, lors de rencontres alors « qu’ils battaient aux champs », qu’ils fissent parler les cannes » (cf : la tristement bataille de Tournus en Septembre 1825).
A travers cet ouvrage, il est donc loisible aux lecteurs de vivre en compagnie de ces hommes sur le tour de France, tant à l’ouvrage que chez la Mère, de participer avec eux à leurs différentes manifestations, de découvrir le cheminement d’un d’entre eux par le truchement de ce livre.
En vous souhaitant une bonne lecture…
AVANT PROPOS DU LIVRE
- … Ce livre est une fiction !
Il ne faut, au travers de ces lignes, chercher nulle ressemblance d'avec… Si d'aventure il en était, se reporter à la formule consacrée.
Il me faut remercier monsieur Laurent Bastard, directeur du musée du compagnonnage de Tours qui, fort aimablement, m'a dispensé de son temps en acceptant de corriger mes erreurs qu'afin le présent ouvrage se puisse de respecter l'entière réalité du compagnonnage au 19ème siècle. Le but avoué de ce livre est d'offrir une promenade au travers des rites et traditions des Sociétés de compagnons, avec l'envie (et l'espoir) de ne pas trahir la vérité…
J'associe également madame Emeline Guibert, directrice de la bibliothèque de Chinon, m'ayant aidé en mes recherches.
A l'époque il existait deux Sociétés de compagnons menuisiers (cf : M. Laurent Bastard) :
- la première : celle des compagnons dite du "Devoir" (ou enfants de maître Jacques) surnommés "Devoirants". Ils portent un surnom composé de leur prénom et de leur nom de province, comme Jean le Tourangeau, Pierre le Provençal, etc… Leur fondateur est Maître Jacques.
- la seconde : celle des compagnons dite du "Devoir de Liberté" à partir du 19ème siècle (ou enfants de Salomon) car leur appellation antérieure était "Compagnons menuisiers non du Devoir". Egalement nommés "Gavots", leurs surnoms sont différents de ceux des "Devoirants" puisqu'ils comportent un nom de province ou de ville et une qualité, comme Avignonnais la Vertu, Languedoc l'ami du trait, Breton le bien-aimé, etc… Leur fondateur est Salomon.
Il m'importe de préciser, bien que le personnage principal de cet ouvrage soit "devoirant", qu'il ne procède ici de nul ostracisme. Il aurait pu, tout autant, être "gavot".
J'ai cru d'utilité, pour une bonne compréhension de ce livre, d'ajouter in fine un lexique où sont regroupés les mots, expressions et autres locutions diverses propres et au compagnonnage et à cette époque. Mais surtout il importe d'y voir hommage à tous ces hommes. Qu'ils soient enfants de maître Soubise, Devoirants, Salomon… et de leur métier loups-garous, coucous, gavots, gueules noires ou menu-bois ainsi que tant d'autres… Ils étaient TOUS compagnons, et TOUS amoureux de la belle ouvrage !
LE LIVRE
Soyons en chassant la discorde,
Chers compagnons les amis de la paix,
Plus de sang sur le tour aimable,
Ranimons la fraternité !
(Vendôme la clé des cœurs, 1840)
- … Maître Germain… j'ai terminé !
L'homme qui s'en vient de parler se redresse en frottant ses reins endoloris. Depuis trois jours qu'il œuvre, armé de son riflard*, courbé sur sa tâche à dégauchir des bastings de chêne qui vont s'en aller de rejoindre quelque charpente de château. En temps ordinaire, de l'ouvrage d'aspirant*, mais aujourd'hui nécessitant une grande précision du geste.
Il secoue son vêtement afin de l'en débarrasser des copeaux enroulés en colimaçon qui rejoignent ceux jonchant le sol autour de lui.
Son établi fleure bon le bois raboté de frais.
- Ainsi voici votre ouvrage achevé mon bon Breton*…
Le maître menuisier pose amicalement sa main sur l'épaule du compagnon :
- Nous voici donc au bout de notre chemin mon garçon, mais je me dois de vous prévenir : j'ai fais demande à votre premier en ville* de m'entretenir ce soir car je dois, vous concernant, prendre langue avec lui pour une proposition nécessitant son entendement…
Jean Kermarek regarde son singe* avec amitié.
- Si vous désirez conter de moi Maître Germain, je sais que de votre part cela ne me portera point peine et aussi bien vous avez toute ma confiance.
Six mois déjà qu'ils oeuvrent ensemble et appris à s'apprécier mutuellement, lui, le Maître menuisier Tourangeau, petit et râblé, au chaud regard empli de bonté, et son ouvrier, compagnon* menuisier, haut de taille et carré d'épaules nommé Breton, Jean le Breton*, nom* amplement mérité au regard de son caractère fier, mais parfois ombrageux, ainsi que de sa droiture et de son amour de la parfaite ouvrage.
Demain il va lui falloir quitter ce chaud atelier. Terminés également les copieux et savoureux repas prodigués par la bourgeoise* qui le couve avec des attentions de mère poule.
De vrais braves gens comme l'on aimerait d'en croiser plus souvent.
Bien sur que Breton aimerait maintenant connaître, et le singe* qui s'amuse de le faire languir, mais par respect pour ce dernier et pour son premier en ville*, il s'abstient de poser toute question.
- Allons mon garçon, je ne vais pas vous laisser plus longtemps les pieds sur les braises, et sans vouloir manquer de courtoisie à votre premier*, je m'en va vous affranchir… Voici donc que mon frère Emile, lui aussi maître menuisier et établi en ville de Lyon, m'a fait connaître, par courrier récent, qu'il recherche un compagnon fini* en qui il se pourrait de mettre confiance entière pour un chantier d'importance. Nous vous avons, la bourgeoise* et moi, observé depuis votre arrivée chez nous Breton, et sommes en quasi-certitude que mon frère ne perdra sûrement point au change de vous gager. Qu'en dites-vous Pays* ?
- Bourgeois*, je ne sais que de vous répondre et n'ai en moi suffisamment de merci à vous donner, à vous et à la bourgeoise*, mais de moi il vous est assuré que jamais je ne pourrai oublier.
Sur ces mots survient le premier en ville* qui, après le cérémonial des saluts d'usage, s'enquiert :
- Bourgeois*, vous avez à me conter ?
- Certainement Pays*, mais de prime allons chez moi pendant que notre pays en termine de ses affaires.
Jean, après avoir consciencieusement nettoyé l'atelier ainsi que les outils du maître, range maintenant les siens qu'il serre avec soin dans son sac.
- Votre bourgeois*, Pays*, me fait connaître qu'une embauche pour un compagnon fini* et digne de confiance serait à pourvoir en Lyon et qu'elle se pourrait d'être votre. De cela je n'ai rien à redire et donne mon assentiment. Pays, vous sentez-vous en toute bonne conscience, pouvoir d'accepter ?
- Pays*, sur la foi de mon appartenance aux bons enfants de Maître Jacques*, il en est.
- Il est dit !
Bourgeois*, il vous appartient donc de prévenir votre frère. Et maintenant, ce pays* vous a-t-il donné toute la satisfaction à laquelle vous vous pouvez de prétendre de la part d'un compagnon de notre société dite du Devoir* ?
- Oui pays*, et bien même au-delà.
- Bourgeois*, ce pays quitte-t-il votre atelier libéré envers vous et la bourgeoise de tous ses acquits* ?
- Oui pays*.
- Bourgeois, avez-vous rempli toutes vos obligations envers ce pays ?
- Oui Pays
- Pays, avez-vous motif de vous plaindre de ce Bourgeois ?
- Non Pays
- Bourgeois, avez-vous motif de vous plaindre de ce pays ?
- Non Pays
Puis, se tournant vers Jean :
- Pays*, vous aller maintenant donner vos salutations à votre singe* et à la bourgeoise*. Il m'appartient également de vous rappeler que ce soir, chez notre Mère*, il se tiendra une assemblée* qui se tiendra en chambre* où, après que vous aurez satisfait à votre levée d'acquits* et que je vous aurai restitué vos affaires*, vous vous devrez de procéder à votre arrosage*.
Maître Germain, l'œil brillant plus qu'à l'ordinaire, lui donne l'accolade ainsi qu'une bonne brassée. La bourgeoise*, elle, ne s'occupe guère de ces usages protocolaires et dépose trois poutous* sur les joues de Jean, puis s'empare d'un baluchon enfermant rillons, rillettes, miche de pain et fromages ainsi que deux bouteilles de vin bouché amené par elle qu'elle lui tend dans un geste de tendresse brusque :
-Voici pour vous Jean Kermarek, quand demain vous en serez de battre aux champs*. Ainsi vous garderez plus longtemps souvenir de nous…
… Un chaud soleil inondant ce matin de Juillet s'est levé sur ce calme paysage tourangeau. La Loire coule paresseusement en laissant apparaître des bancs de sable qu'arpentent les hérons en quête de prises. Jean Kermarec s'en vient de boucler sa malle - dans laquelle est serrée sa canne* de cérémonie - que le rouleur* mettra à la patache et qui s'en ira l'espérer chez sa nouvelle Mère, en Lyon. Il n'emporte avec lui que son sac contenant quelques effets de rechange ainsi qu'un havresac et son bâton de marche, plus petit que sa canne mais se voulant d'être plus maniable, aux pieds ses solides chaussures de marche.
Cent quinze lieues* à parcourir d'ici Lyon avec une moyenne journalière de douze à treize lieues*. De la bonne marche en perspective mais le souffle est bon et le mollet fort.
Une conduite en règle*, honneur exceptionnel, lui est offerte avec, en tête du cortège, le rouleur*, canne enrubannée, suivi du premier en ville et du premier compagnon portant les affaires de Breton marchant aux côtés du compagnon. Ils précèdent les nombreux compagnons* et aspirants* arborant les couleurs des enfants de Maître Jacques*, tous doctement tenant leur canne, venant ainsi honorer leur ami Jean le Breton*. Ils ont revêtu la redingote ainsi que le chapeau de cérémonie, gibus ou huit reflets*.
Le cortège s'est immobilisé aux dernières portes de la ville. D'un bissac le rouleur* sort bouteilles et verres.
- Pays*, tous bons enfants de Maître Jacques*, avant que notre Pays, Jean le Breton ne parte battre aux champs*, nous allons boire en règle* et lui donner l'accolade*.
Suivant le rite et cérémonial des Devoirants*, avant de choquer leurs mains tenant le verre, l'index tendu, le rouleur et le premier compagnon exécutent, bras et cannes croisés, la guillebrette*.
- Et surtout pays*, gardez-vous bien de côtoyer Bourges et Montluçon, villes toujours affiliées à ces gavots*, et de sauter* également leurs faubourgs toujours en interdit*.
… Quatre bonnes heures déjà qu'il déroule la route et le soleil, haut dans le ciel, darde la campagne de ses chauds rayons. La redingote est tombée depuis longtemps déjà, col de sa chemise ouvert afin de se donner un peu d'air, mais, bien que le pas soit toujours aussi franc, Jean Kermarek aspire maintenant d'une halte salutaire.
Un verger propose son ombre accueillante. Qu'il fait bon de s'asseoir ainsi au pied d'un pommier dont l'épaisse ramure le protège du soleil. Lui faisant face, un champ de blé dont les lourds épis chantent sous la caresse d'une brise légère. Seul le bruissement des milliers d'insectes trouble cette quiétude. Un sourire nostalgique flotte sur ses lèvres pendant qu'il ouvre le baluchon confectionné pour lui par la bourgeoise*. De son grand couteau il se taille un large chanteau* sur lequel il étale une bonne épaisseur de rillettes.
Il mastique lentement, savourant les saveurs, en homme connaissant la valeur et le prix de la nourriture. Il n'est point homme dispendieux. De sa gourde, emplie l'heure précédente à une fontaine, il apprécie la fraîcheur du liquide. Ce compagnon, sage et réfléchi, est également homme sobre. Point besoin d'être pressé pour goûter le vin, d'ailleurs il fait trop chaud pour vraiment l'apprécier.
Un bruit de fers venant de la route le tire de sa rêverie solitaire et apparaît un char que tire un magnifique boulonnais*. Le conducteur, ayant aperçut le compagnon, pénètre le verger avec son équipage.
- Oh… mon tout beau !
Et, s'adressant à Jean :
- Bien le bonjour à toi l'homme, verrais-tu désagrément si je m'arrête en ta compagnie ?
- Nullement brave homme, et si d'aventure la soif vous tient, je puis toujours vous proposer de mon eau fraîche.
Un fort et tonitruant éclat de rire salue sa proposition.
- DE L'EAU ? Jésus Marie Joseph, DE L'EAU… alors que dans le banc de mon char m'espèrent quelques jolies bouteilles d'un admirable vin clairet serrées dans des linges humides pour conserver leur fraîcheur, et toi de me proposer de l'eau. Mais je te fais quand même grand merci de ton aimable offre que je ne puis accepter, car agissant ainsi, je ferai offense à cette merveille que produit un des miens vigneron aux environs de Châteaumeillant. Je m'en va même maintenant te proposer à goûter de mon breuvage, mais auparavant il me faut offrir ses aises à Monsieur Louis, car c'est ainsi que se nomme mon cheval. Lui et moi avons nos habitudes et il prendrait ombrage de rester ainsi harnaché pendant que moi j'en serai de prendre mon ébattement. C'est qu'il a son caractère le bougre !
Le tout énoncé avec un grand sourire, et le compagnon note, de l'attitude de l'homme envers son cheval, la tendresse bourrue qui perce sous les propos de l'arrivant.
Ces deux là, à n'en point douter, s'aiment.
- Voulez-vous que je vous donne la main ?
propose-t-il
- Bien le merci l'homme, mais vois-tu, j'en aurai terminé le temps que tu m'ouvres ceci :
Lui répond-il en montrant une bouteille et tendant son autre main à serrer
- Armand Le Prieur, et me voici fermier dans les environs de Buzançais où j'en suis de posséder, ma foi, une bonne brassée de terres. Et toi… compagnon je parierais ? A te voir ainsi attifuré* de cette façon à te reposer sur le bord du trimard*…
- Bien vu l'homme, je me nomme Jean Kermarek, compagnon fini menuisier et bon enfant de Maître Jacques. Me voici à battre aux champs* depuis ce matin au départir* de Tours pour m'en aller rejoindre Lyon où m'espère nouvel ouvrage
- Lyon ! Lyon m'as-tu bien dis ? Plus de cent dix lieues*, mais heureusement tu es jeune et surtout tu m'as l'air vaillant, mais cent dix lieues*… Quand même !
Armand Le Prieur verse maintenant un vin d'un beau rouge clair dans les verres sortis de son panier.
- Vois-tu mon garçon, j'emporte toujours des verres avec moi car j'aime à partager, également que le vin, pour être apprécié, ne doit point être bu au goulot de la bouteille, ce sont là viles manières d'ivrognes. Prends le temps de le laisser venir en bouche car c'est là vin qui demande deux visites. La première pour entrer et la seconde pour se faire apprécier…
dit-il en clapant la langue.
- Vous avez raison maître le Prieur, d'entrée il est discret et se fait connaître à la deuxième visite, et maintenant que vous avez partagé avec moi votre vin, je tiens de toute force de vous faire les honneurs de mon baluchon qui resserre fort bonnes nourritures.
- Merci bien à toi compagnon, mais j'ai mieux à te proposer : nous allons faire cause commune et ainsi étaler nos avoirs.
Les voici maintenant, tels deux vieux amis, bavardant à bâtons rompus entre deux bouchées. Des prunes odorantes dont perle le suc ont attiré de nombreuses guêpes.
- Regarde les donc ces gourmandes qui s'en donnent à cœur joie. Tends-moi donc ton verre compagnon !
- Votre vin est fort bon Maître Armand, et vous en fait merci, mais la route m'appelle et, si je tiens à m'avancer en direction de Déols, je me dois de conserver ma vigueur en jambes.
- Reste donc assis un moment encore compagnon, nous allons conter affaires…
Jean Kermarek lève un sourcil, étonné.
- Conter affaires ? je vous écoute donc maître Armand !
- A te voir, de prime abord, l'on comprend vite que chez toi droiture et honnêteté marchent du même pas, et j'en détiens pour preuve ton accueil. Voici donc mon garçon que chez moi, j'ai certain travail requérant les compétences d'un menuisier vrai. Je t'expliquerai… Hors donc, au vu que tous deux abordons la même direction, il ne serait point fort intelligent que toi tu reprennes le trimard et moi de demeurer seul sur mon char sans personne à qui parler, car j'ai oublié de te dire ceci, mais je suis un fieffé bavard. J'ai bien Monsieur Louis… mais quand même, car, si lui et moi nous entendons bien, il n'est pas très causant. Alors je te propose de me serrer sur mon banc pour te laisser place, et de concert rejoignons mon domicile où tu auras gîte, couvert et gages pour le travail par moi commandé.
Qu'en es-tu de me donner comme réponse?
- Et de quel ouvrage s'agit-il ?
- Il s'agirait de me poser deux portes…
- Oh là Maître Armand, je vous arrête d'office car de cet ouvrage n'importe quel aspirant ou esponton* ferait l'affaire !
- Mais diantre non compagnon ! je t'explique qu'en cela, après avoir fait réaménager ma demeure, je me suis rendu acquéreur de deux anciennes et magnifiques portes sculptées, à vantail, dont il faudrait reprendre au plus près un ou deux éléments détériorés par le temps ou les hommes et…
- Je ne suis point sculpteur sur bois maître Armand.
- J'entends bien mon garçon, j'entends bien, car il ne s'agit point ici de parties sculptées mais de panneaux, et également réaliser le bâti de chambranle car je ne voudrais point voir ces magnifiques portes montées de guingois par un quelconque arcan*, afin qu'elles soient assujetties à demeure, et sois assuré, Jean Kermarek, que c'est là ouvrage pour un vrai compagnon menuisier.
Et de renchérir benoîtement à mi-voix :
- Mais peut-être ne t'en sens tu pas capable…?
Jean Kermarek devine l'astuce sous le bonhomme, et, souriant :
Et de vous, où vous rendez-vous ?
- J'en suis de rejoindre Emilien le Gascon qui œuvre en l'abbaye de Paray-le-Monial. Point de revenir sur de mauvais souvenirs mais je dois vous avouer qu'il y a de cela deux jours faits, à la sortie de Château-Chinon, alors que de concert je battais aux champs avec deux pays, l'un charpentier et de l'autre tailleur de pierres, eux aussi enfants de Maître Jacques, nous avons fait parler la canne à l'endroit d'enfants de Salomon* qui s'en voulaient de nous barrer le passage. Pour comble de malheur sont arrivés les argousins* qui ont réussi à serrer* un de nos deux pays. Nous avons, moi et le pays tailleur de pierres, réussi à faire escape*, et, après nous être séparés, décidé de rejoindre au plus vite chacun notre nouvelle étape sans faire bout de route ensemble. Et me voici maintenant en grande diligence de gagner Paray-le- Monial.
- Etes vous, pays, en grand danger de poursuite par la maréchaussée ?
- Se peut pays, se peut, car de nos trois assaillants, l'un d'eux semblait gésir sur le sol fort mal en point…
- Il va donc nous falloir redoubler de prudence pays !
- Assurément pays, mais si de mauvaise aventure nous nous devions de croiser le chemin des cognes*, en aucune manière je ne vous ai donné à entendre de cette aventure.
- Je vous en remercie pays, mais de moi ayez en votre assurance de mon aide et soutien !
Leurs pas se font plus rapides, tous leurs sens en éveil à guetter le bruit des chevaux et des roues de carrioles. Ils évitent ainsi les intersections en coupant par bois et plaines. Nul mot n'est entre eux échangé. Inutile d'espérer emprunter fiacres, pataches et diligences car ces derniers doivent se trouver sous surveillance.
En cet après-midi le ciel se laisse envahir de lourds nuages sombres, l'atmosphère devenue étouffante, et les oiseaux, à l'ordinaire si bruyants, se taisent. Il se fait, dans l'urgent, de trouver un abri sûr car l'orage approchant s'annonce d'importance. Le ciel est devenu noir, les respirations sont oppressées et la sueur leur coule dans les yeux. Il est préférable de s'abstenir de quêter hébergement en les rares fermes que les deux hommes aperçoivent de temps à autres. Sait-on jamais avec qui l'on prend langue ? Surtout que les bourres* doivent questionner toute la région.
- Pays, regardez donc à votre main droite !
Ils sont au sortir d'un petit bois et, du doigt, Jean kermarek indique une modeste cabane, plutôt abri de bûcherons ou de charbonniers que véritable demeure.
Juste le temps de parcourir la cinquantaine de toises* les séparant de la chahute que déjà les premières gouttes de pluie, larges comme des pièces de dix sous, commencent à s'écraser au sol. La porte, montée sur simples charnières de cuir, et au demeurant munie d'une simple clenche en bois, s'ouvre à la première sollicitation cependant qu'une éblouissante langue de feu déchire brusquement le ciel pour venir s'abattre en un fracas de fin du monde à une centaine de toises* de l'endroit où ils se trouvent. Par la porte demeurée ouverte ils peuvent voir la pluie se déverser du ciel en une puissante cataracte qu'alors un vent démoniaque promène sa folie sur la nature environnante. Les éclairs et le tonnerre se succèdent sans interruption, empêchant ainsi toute conversation. Un coup d'œil circulaire les renseigne sur leur abri large d'environ douze pieds* sur une quinzaine. Un semblant de cheminée pour le moins… rustique ainsi que deux bas-flancs garnis chacun d'une litière de feuilles sèches à moitié grignotée par des rongeurs, une table, en fait une simple planche posée sur deux tréteaux, ainsi que trois tabourets à traire montés sur trois pieds composent l'essentiel de ce mobilier sommaire. Aubaine inespérée car une provision de bois sec se voit d'être entreposée auprès de l'âtre. Leur abri empeste le moisi, mais qu'importe puisque voici les deux compagnons à l'abri de la tempête. Quelques filets d'eau percent bien la toiture, mais dans l'ensemble… Entre deux vacarmes, car l'orage ne perd en rien de sa force et de son intensité, Jean Kermarek annonce à Picard son intention d'allumer le feu. A peine le bois bien sec disposé dans l'âtre, le briquet battu sur sa mèche d'amadou et le feu bouté aux brindilles que déjà les premières flammes commencent à s'élever en dispensant leur lueur. L'épicentre de l'orage semble s'être déplacé d'une demi-lieue*, mais du moins ne sont-ils plus en obligation de hurler pour se comprendre.
Le compagnon, après avoir consulté l'oignon qui garnit le gousset de son gilet, déclare :
- Mon Pays, m'est avis que nous allons devoir nous résoudre à passer la nuit ici car cet orage ne me semble point prendre chemin de se calmer. Mais pour le moins je gage que nous sommes assurés, jusqu'à demain, de ne point faire mauvaises rencontres.
… Jean Kermarek toise le gendarme d'un regard méprisant.
- Vous avez, Monsieur l'Officier, pour certitude d'avoir appréhendé votre coupable, hors, et m'en vais certainement vous décevoir, mais il n'en est rien…
Le Lieutenant de gendarmerie ne semble guère priser, venant de cet individu aux vêtements fripés, mal rasé, aux yeux cernés et rougis de fatigue, la réponse faite en bon français châtié.
- Tiens donc, tu sais t'exprimer autrement que dans votre abominable jargon… également vas tu me faire croire que tu sais lire et écrire, et peut-être pourras-tu, pendant que nous y sommes, me fournir des preuves… indubitables… de ton innocence ?
- Certes oui Monsieur l'Officier, J'écris et lis couramment dans le texte et compte tout autant. Pour ce qui est des preuves je le puis assurément, car, à mon départir de Tours…
Le compagnon fait état de son emploi du temps sans omettre de faire mention du bon Armand Le Prieur.
A ces réponses l'Officier semble perplexe et, regardant le grand compagnon avec une moue dubitative :
- Nous allons procéder à des vérifications, ce qui prendra quelques jours, et, en attendant, nous allons te transférer en la prison de Vichy.
Le trajet jusqu'à la prison s'effectue, non pas au cul des cheveux avec aux mains les poussettes mais, pour le moins, les mains enchaînées, en panier à salade dans lequel ont également pris place deux gendarmes.
Une fois arrivé, le compagnon est autorisé à faire prévenir la Mère* de leur société qui s'est aussitôt empressée d'alerter le premier en ville. Ce dernier se trouvant, dans actuel, d'être Romain Nivernais*, connaissance de Breton.
… Installé aussi confortablement que faire ce peut sur l'impériale* de la diligence, car il a refusé le panier* et la rotonde*, Jean Kermarek laisse filer ses pensées en regardant distraitement le paysage vallonné où s'alignent, à flancs de coteaux, de nombreux vignobles dont les sarments portent de lourdes grappes en plein mûrissement et annonciatrices d'une prolifique vendange. Mais ses pensées sont autres et sa confrontation d'avec la maréchaussée lui donne plus encore d'y réfléchir. L'affaire de Tournus*, bien que s'étant déroulée il y a de cela cinq ans déjà, se fait encore fort présente dans les esprits, et les compagnons font l'objet d'une surveillance étroite, surtout que vient de se dérouler en Paris l'insurrection que déjà les gazettes nomment les trois glorieuses*. L'abdication de Charles X en faveur de Louis-Phillipe n'augure guère d'agréables perspectives, d'autant que les sympathies du nouveau Ministre Perier vont à la haute bourgeoisie dont il est lui-même issu, qu'alors les légitimistes les républicains et les bonapartistes se livrent déjà à une véritable guerre d'intérêt. Les adjas*, désireux de montrer leurs bonnes dispositions, font du zèle sur le dos des compagnons et ouvriers.
Des rumeurs sourdes font état de manifestations de mécontentement chez les canuts lyonnais et les autorités redoutent une coalition ouvrière.
Pour le moment, il importe au compagnon de rejoindre son nouvel ouvrage au plus vite.
Le lourd véhicule, sous la lourde chaleur d'août, cahote en rencontrant les ornières de la route. Vole l'insinuante poussière, frappent les rayons du soleil, le compagnon doit souvent recourir à l'eau de sa gourde. Les fenaisons battent leur plein et nombreux sont les champs et prés où s'affairent quantités de personnes. L'air embaume de l'odeur du foin coupé.
La première halte est fort prisée de l'ensemble des voyageurs. Le postillon annonce qu'il se fera une bonne heure d'arrêt. Certains passagers du ventre* de la diligence essayent, pour la poursuite du voyage, de troquer, moyennant finances, leur place intérieure contre un accès à l'air libre. Entre les voyageurs descendus se délasser et se restaurer, trop de discussions politiques, trop d'avis virant soudainement à l'altercation. Jean Kermarek, après en avoir de nouveau empli sa gourde à la fontaine, préfère conserver son quant à soi en s'isolant en un recoin ombragé que lui offre un vénérable chêne. Se sachant, comme au reste l'ensemble des compagnons, plus ou moins surveillé, le gaillard s'abstient de prendre parti et, de son bissac, sort son briquet* qu'il mange lentement, à l'écart.
Depuis un bon moment déjà ils ont quitté le Bourbonnais pour s'en venir à la rencontre des premiers contreforts d'Auvergne. Les voici arrivés à Feurs pour l'étape du soir. A l'auberge où le compagnon, par souci de tranquillité, a opté pour une chambre individuelle qui lui coûte le prix d'une journée de travail, il peut enfin se débarrasser de la poussière et changer de chemise.
Les évènements de ces dernières semaines ont fait grimper l'inflation.
Pour le repas il se contente d'une soupe, et comme boisson de l'eau. Lyon, au départir de demain, ne sera plus qu'à vingt cinq lieues, en espérant que le temps veuille bien se maintenir… Que Tours lui paraît loin après toutes ces péripéties. Il a pour impression d'en être parti depuis des mois. Pour le moment présent le compagnon profite de la fraîcheur portée par la vesprée* en contemplant les collines arrondies surplombant la cité puis décide d'une courte promenade avec pour but avoué de détendre ses jambes courbaturées par l'inconfortable voyage sur l'impériale*.
… Francomtois lève la main :
- Pays, pour une fois nous dérogeons en accueillant ainsi notre pays, Jean le Breton. Point ne sera nécessaire qu'il demeure en chambre… Je commande pour demain soir l'assemblée extraordinaire* à l'issue de laquelle nous boirons en règle* à l'arrivée de notre pays. Pour le moment il est d'importance que ce pays puisse se restaurer. Breton, votre malle ici parvenue depuis plusieurs jours vous espère en votre carrée*.
Peu à peu les compagnons quittent la salle non sans avoir glissé mot d'amitié à l'endroit de Breton.
Une fois les deux hommes seuls, Francomtois rejoint la table de Jean Kermarek et lui demande :
- Puis-je, pays, avec ton accord ?
- Comtois… voyons… comme si mon autorisation t'était nécessaire… Ne serions nous plus amis ?
Les deux compagnons peuvent maintenant, en toute quiétude, prendre langue. Ce qu'ils vont faire longuement après avoir sollicité la Mère* qui devant eux pose un litre et deux verres.
- Faites donc pays*, celui-ci est à mon compte. Je suis heureuse de vous voir de si bonne amitié.
… Comtois entame aussitôt la présentation :
- Bourgeois, voici présent devant vous le pays Jean le Breton. A quelles conditions embauchez-vous ce pays ?
- Jean le Breton aura la charge du chantier de l'Evêché ainsi que la haute main sur tous les espontons*, apprentis, aspirants et compagnons, également sur toutes les embauches ou débauches que ce compagnon jugera nécessaires.
- Bourgeois, quel salaire proposez-vous au pays ?
- Dix francs par jour pour une journée de dix heures et pour cinq jours oeuvrés. Les fêtes carillonnées sont chômées.
- Bourgeois, pouvez-vous, si le pays vous en fait demande, lui concéder une avance immédiate d'une journée ?
- Oui pays.
Et se tournant vers Breton :
- Pays, désirez-vous de votre bourgeois recevoir une avance d'une journée ?
- Non pays.
- Bourgeois, fournirez vous au pays tout l'outillage, en bon état, nécessaire à son ouvrage ?
- Oui pays.
- Bourgeois, assurez-vous à ce pays le médianoche quotidien ainsi que deux collations ?
- Oui pays.
Et de nouveau s'adressant au compagnon :
- Pays, ces conditions d'embauche vous agréent-elles ?
- Oui pays.
- Cela est dit ! Bourgeois, topez avec le pays, pays, topez d'avec votre bourgeois.
Les deux hommes claquent de la paume.
Comtois énonce :
- Cela est dit ! Bourgeois, nous allons maintenant boire votre litre…
- Pays, je vous laisse avec votre singe*.
Les deux compagnons échangent leur salut rituel.
… - Breton, il n'entre pas dans nos habitudes de nous entretenir des choses de la religion, et loin de moi de vous questionner de votre position propre à l'endroit de l'église. Mais, en ce cas présent, il nous faut, et vous et moi, jouer une partie serrée car les compagnons ne sont pas vraiment en odeur de… sainteté vis à vis du clergé, et nous pouvons, sans préavis aucun, perdre ce chantier d'importance sur simple décision de l'évêque au vu de notre tenue en ce lieu…
- Maître Emile, je fus jadis bon chrétien pratiquant, allant à confesse et communiant aux dimanches et fêtes carillonnées, sachant toutes mes prières ainsi que les répons aux offices. C'était dans une autre vie.
- Point de me répondre si vous pour vous de me juger indiscret Breton, mais ne l'êtes vous plus ?
- Depuis, dans mes traversées de notre pays au gré des différents ouvrages, j'ai fais connaissance d'autres gens, écouté idées différentes, que je partage ou non, lu des livres autres que le paroissien, mais surtout maître Emile, j'ai commencé d' observer autour de moi, constaté des injustices, des aberrations, des misères et surtout je me suis pris de penser par moi-même. J'ai également appris à ne plus tendre l'autre joue pendant que l'on me frappait sur la première, que l'homme n'était pas que bonté, que le monde n'était pas que ou blanc ou noir. Si je me suis pris d'amitié pour certains, j'en ai haï d'autres, si j'ai quelques fois porté aide, je me suis également battu. J'ai côtoyé, tout comme vous, différents milieux, des bourgeois aux va-nu-pieds en passant par l'ouvrier et que tous j'ai bien observés. Je n'ai nulle espérance en l'après de la vie que l'église nous promet car ma véritable foi est en l'homme ici bas. De lui vient le chaos ou la paix et de cela tous nous nous devons d'œuvrer dans le sens de l'union.
Mais, maître Emile, ayez en assurance que rien de mes idées n'apparaîtra, et que tous nous donnerons une parfaite image de bons… chrétiens.
Voyez-vous maître Emile, j'ai en souvenance d'avoir lu, d'après Dietrich Von Niheim, certain évêque allemand… que l'église, d'afin se protéger, s'octroyait droit au mensonge ou tout autre acte contraire à la morale. Pour nous, compagnons bons enfants de Maître Jacques, notre idéal ainsi que l'ouvrage, et surtout l'ouvrage au mieux réalisé sont notre église, et de cela nous aussi avons le droit au mensonge afin de préserver nos valeurs.
Le singe, les yeux humides, pose, en un geste totalement inusité entre un bourgeois et un compagnon, sa main sur l'épaule de Jean Kermarek.
- Compagnon, voici des propos comme je les aime à entendre. Je sens pousser en vous un germe qui ne demande qu'à grandir et s'épanouir, mais votre combat sera long et difficile. Il va vous falloir garder entière votre foi car en ce cas l'inquisition est toute autre, tout autour de vous, et de tous bords, et les véritables ennemis ne sont point toujours ceux que l'on croit.
… La parure automnale multicolore qui colore les frondaisons du bois de la tête d'or a cédé place à l'hiver et les arbres dressent maintenant leurs banches dénudées. Quelques jours encore d'avant la Nativité.
La froidure s'est abattue sur le lyonnais. Dans l'atelier où s'empilent les éléments des nouvelles stalles de chœur qui, bientôt, seront assemblés en la chapelle, ronfle avec vigueur un poêle à bois qu'un pigeonneau alimente fréquemment en copeaux, sciure et chutes inutilisables. Le singe et le compagnon œuvrent d'arrache-pied à la réalisation de leurs colonnes auxquelles tous deux apportent un soin particulier.
Le compagnon, après avoir, comme chaque jour, balayé l'endroit de son établi et nettoyé ses outils, enfile son lourd manteau en contemplant les premiers flocons qui mouchettent la vitre et quitte les lieux maintenant déserts en refermant soigneusement l'huis.
- Hé ! l'homme, s'il vous plaît ! Seriez-vous donc Jean Kermarek ?
Le compagnon, qui hâte le pas sous les rafales du vent froid chargé de neige, perdu en ses pensées, sursaute et, se retournant, regarde celui qui vient ainsi de l'interpeller, fronçant les sourcils en un effort de mémoire :
- Que le ciel me soit témoin !
Il reconnaît l'individu engoncé dans sa vêture d'hiver, le visage entouré d'une écharpe lui couvrant les oreilles et coiffé d'un large chapeau.
- Michel… Michel Le Guern !
Le hasard lui fait soudainement croiser la route de celui avec qui, lors de la conscription, il a vécu deux années de franche amitié.
- Et oui mon bon Jean, Michel Le Guern, pour te servir.
Les deux amis, après une forte accolade suivie d'une franche poignée de mains, se regardent, étonnés de leur rencontre inopinée.
- Michel, il serait préférable, plutôt de conter sous cette neige, que nous allions nous serrer dans ce bouchon qui semble se trouver ici exprès pour nous…
- Toujours autant tu parles d'or Jean Kermarek !
Voici maintenant les deux compères assis non loin d'un poêle qui dispense son aimable chaleur. Ils passent commande d'une casserole de vin chaud puis se regardent en souriant.
- Mais que fais-tu si loin de notre pays de Bretagne ?
Car Michel Le Guern, comme Jean Kermarek, est lui aussi breton, Rennais bon teint.
- Je viens d'être débauché de chez un bourgeois* de Saint-Etienne où j'œuvrais en qualité d'esponton*, et j'ai donc décidé de courir l'embauche en Lyon, ville beaucoup plus importante. J'y trouverai certainement un ouvrage qui ainsi m'assurera gîte et couvert pour l'hiver.
- Mais Michel, toi qui comme moi es menuisier, n'es-tu point affilié ?
- Vois-tu Jean Kermarek, j'en avais, au sortir de la conscription, pris direction et tenté de pénétrer chez les gavots* de Saumur. A la suite de différents et autres basses tracasseries avec leur rouleur* et divers autres compagnons de leur Société, j'ai au final abandonné cette voie. Tu me connais bien Jean Kermarek, et tu n'es point en ignorance que je ne suis ni homme tracassier ni homme violent. J'ai donc refusé de livrer combat aux différents sociétaires des autres coteries. J'en suis d'être menuisier et non point guerrier. J'ai donc décidé d'effectuer mon tour de France ainsi, en qualité de simple esponton*.
Et de toi Jean Kermarek, de ma mémoire je ressorts que déjà tu étais affilié d'avant la conscription, non ?
- Tu as une excellente mémoire Michel Le Guern ! J'étais, et suis toujours, affilié chez les enfants de Maître Jacques où me voici compagnon fini. Actuellement j'œuvre dans l'actuel chez un excellent bourgeois en qualité de premier*. Un bon chantier pour de la bonne ouvrage. Mais ne m'as-tu pas précédemment conté d'une recherche d'embauche pour l'hiver ? Hors, il se trouve que l'atelier, suite au départ d'un de nos aspirant, a pour besoin d'un nouvel ouvrier car notre tâche est d'importance. J'ai, en qualité de premier* en l'atelier, pouvoir sur embauches et débauches. Pour le gîte je ne puis, mais nous pourrons prendre langue sur ce sujet avec le singe*. Si cela en est de pouvoir t'agréer, tu te présentes demain matin à l'adresse de l'atelier. Nous sommes amis, Michel Le Guern, et ainsi je te demande de ne point prendre ombrage qu'en ce sens, si embauche se fait, je te demanderai certains essais afin qu'il me soit donné d'établir tes acquis et ainsi de te fournir ouvrage en ta compétence. Pour accord de ta part, tope-moi la main !
Les deux hommes se serrent la main avec chaleur.
… Brinquebalé par les cahots de la diligence, Jean Kermarek, juché sur l'impériale* de la diligence se dirigeant vers la Tour du Pin et Grenoble, et laissant ses pensées vagabonder, regarde sans les voir se dessiner les tous premiers contreforts alpins,.
Depuis son départir de Tours, encore une partie de sa vie riche en souvenirs laissée sur le chemin de cette presque année écoulée : son arrestation suivie de son incarcération à Vichy, maître Emile égal à son frère en la bonté, son amitié avec l'évêque, son parlement avec les Salomon, ses retrouvailles avec son ami Michel Le Guern et le mariage de ce dernier avec la jolie nièce du singe et dont les derniers mots résonnent encore en sa mémoire…
- Jean, si la solitude du chemin certain jour se fait trop pesante, s'il vous arrive nécessité de trouver un refuge et de quoi qu'il puisse vous arriver… Venez nous retrouver car cette maison est votre, cette famille est votre également.
Paroles sincères et touchantes. Tout cela laissé derrière lui, à quelques tours de roues, définitivement.
Le voici également de revivre son départir et la conduite extraordinaire lui ayant été accordée. Le simulacre de retenue par le premier compagnon, la guillebrette* dansée par le rouleur et le premier, le ruban vert synonyme de son passage en Lyon adjoint à ses petites couleurs*, et le boire en règle* avec les compagnons…
Breton est brusquement tiré de rêverie mélancolique par l'arrêt brutal de la diligence. Quatre pandores montés* ont stoppé le lourd véhicule et intimé sans ménagement ordre à tous de descendre à terre. Jean Kermarek quitte l'impériale et se voit immédiatement entouré de gendarmes.
- Toi, qui es-tu ?
- Je me nomme Jean Kermarek, compagnon menuisier messieurs les gendarmes
- Tes papiers, et d'où viens-tu ?
- Je suis, depuis ce matin, au départir de Lyon où j'ai, pendant presque une année, œuvré en la chapelle de l'évêché et vais maintenant retrouver ouvrage à Grenoble. Il vous est aisé de questionner les passagers ainsi que le cocher quant à ma présence depuis le départ.
Le brigadier lui restitue ses documents.
- Tu es en règle…
Le cocher interpelle les gendarmes :
- Que donc se passe-t-il qu'afin nous soyons arrêtés en plein chemin ?
- Nous sommes en recherche de trois hommes auteurs de méfaits dans la région et qui, tout autant, se pourraient être larrons, trimardeurs ou compagnons…
Breton, à ces mots, ne peut s'empêcher :
- Vous faites là dangereux amalgame monsieur le Gendarme…
Le pandore, mine mauvaise, se retourne vers le compagnon :
- Ferme ta gueule toi, car pour nous vous êtes tous de la même engeance, et nous pourrions tout aussi bien t'embarquer à nous suivre au cul de nos chevaux
- Ce qui serait fort dommage brigadier, car mon ouvrage me requiert dans l'urgence au palais de justice de Grenoble et je doute que le Président, qui a passé commande de travaux, n'apprécie mon retard pour raison de me voir ainsi appréhendé gratis.
Le pandore ouvre de grands yeux étonnés, puis, brusquement,
- Reprenez la route !
Intime-t-il au cocher et passagers en regagnant sa monture.
Demain Grenoble, mais en attendant la diligence s'est arrêtée à Crachier pour l'étape du soir. La proximité de la montagne apporte sensation d'une légère fraîcheur et la chaleur se fait moins pesante qu'en ville.
Nombreux sont les passagers venant prendre langue avec le compagnon en le félicitant d'avoir sût si bien remettre le gendarme en place. D'aucuns également veulent lui offrir à boire, ce que Breton refuse avec amabilité.
Bien qu'ayant bourse garnie, Breton opte pour le dortoir où il s'ira cette nuit reposer de compagnie avec quatre personnes, et ce pour une somme relativement modique dans laquelle est incluse la soupe du matin.
En cette douce soirée, Jean Kermarek assis sur une grosse pierre au pied de laquelle chante un ru gazouillant, regarde la nuit étendre son emprise. Certain souci accapare ses pensées car, avant son départir, nouvelle lui est parvenue de combats entre Grenoble et Valence opposant Jacques et Salomon. Dans le moment, l'entente des deux Sociétés en Lyon n'est qu'épisode isolé.
- Vous me paraissez bien songeur Monsieur…
Les paroles, prononcées derrière lui, le font sursauter et se retourner vivement.
… En cette soirée, le compagnon qui a été convié au souper de la famille Feraz, échange des informations avec le maître des lieux. Une certaine inquiétude point dans les propos des deux hommes, et Adeline, assise aux côtés de Breton, s'enquiert de la situation :
- Mais de quoi retourne-t-il exactement ?
- Il en est qu'en Lyon, les canuts*, au nombre de plusieurs milliers, bien souvent exploités de manière éhontée par certains gros entrepreneurs, se sont élevés contre ces pratiques et réclamé un prix de façon pour tous unitaire, y compris pour les tous jeunes enfants oeuvrant une douzaine d'heures journellement en ces ateliers.
- Vous me dites bien de jeunes enfants d'œuvrer ainsi ?
- Hélas oui, douce Adeline, de la quasi-exploitation aussi vile qu'esclavagisme qui utilise le bois d'ébène…
- Le bois d'ébène ?
- C'est là appellation des africains nègres enlevés en leur pays afin d'être transportés de l'autre côté de la mer Atlantique vers les Antilles et les Amériques au service gratis de gros propriétaires terriens
- Quelle horreur !
Donc… Le bien fondé de la revendication des canuts lyonnais a finalement été reconnu avéré, et accord finalement signé avec une commission municipale présidée par Bouvier-Dumolart, le préfet du Rhône.
- Donc, la situation se devrait d'être apaisée ?
- Non point, Adeline, car plusieurs centaines de canuts ont dénoncé cet accord et appelé en des manifestations et barricades, tout comme à Paris pendant les trois glorieuses*. Toujours est-il que la troupe commandée par un certain général Roguet, est intervenue et de nombreuses morts d'hommes s'ensuivirent.
- Mais… Le pourquoi de cette attitude ?
- Le pourquoi ? A mon entendement il faut y voir manœuvre politicienne… Mais toujours est-il qu'à ce jourd'hui, le préfet
Bouvier-Dumoulard s'est vu destitué de ses fonctions et que dans l'actuel, les Lyonnais sont sous entière main-mise militaire dont le maréchal Soult à commandement avec toute latitude pour maintenir le calme, et par tous moyens qu'il jugera utiles…
- Ce qui veut dire ?
- En parlant tout bas pour ne point être entendu, qu'il s'agit là d'une dictature militaire et que Philippe-Egalité* et son Cabinet Perier, preuve en est, sont plus que jamais de protéger la haute bourgeoisie au détriment de la souffrance des ouvriers !
- Jean, qu'entendez-vous par souffrance des ouvriers ?
- Que de ces hommes, ces femmes, ces enfants, qui tous les jours départent de leur logis aux aurores d'afin d'œuvrer douze heures cloîtrés en ateliers, gratifiés de leur bourgeois d'un salaire n'excédant pas trois francs, voir en des cas exceptionnels quatre, deux francs pour les femmes qui exercent idem que les hommes, et ces enfants qui ne perçoivent, pour des tâches bien au-dessus de leurs forces qu'un franc jour, ne faut-il en cela point voir souffrances ? Que penser également de ces salaires ne suffisant pas pour les faire vivre raisonnablement ? Et que dire aussi de ces ateliers non chauffés où ces pauvres gens oeuvrent, les doigts rendus gourds par le froid… Et de combien dans ces conditions sont atteints de phtisie et autres maladies ? Sont-ce là conditions de travail idéales ?
… Breton hèle le premier, car d'apercevoir dans le loin de la route :
- Guépin, ne serait-ce point là-bas gens arrêtés ?
- Ce me semble pays, d'autant que nous nous devons d'approcher.
Des groupes de personnes, hommes, femmes tenant leur mouchoir à la main, enfants crochés aux jupes de leur mère; à n'en point douter, ils sont arrivés.
Tourangeau de s'informer…
- Nous sommes en l'endroit pays, mais personne ne connaît l'heure. Il ne nous reste que d'espérer…
Tous, dans l'attente, battent de la semelle car le froid se fait plus vif, et de minuscules flocons commencent à voleter ça et là.
Un cri :
- Les voilà !
Apparaît un fort peloton de gendarmes montés escortant deux fourgons. Dès leur arrivée se crée une bousculade, et l'officier commandant le détachement n'hésite pas à se servir du plat de son sabre d'afin faire reculer.
- Cet homme est totalement insensible…
- Vous avez raison Guépin, et alors que penser des gaffes* ?
- A ce sujet, avez-vous pensé à l'enveloppe Breton ?
- Je l'ai dans ma poche, et j'espère, selon les dires qu'il nous a été donné d'entendre, que certains se montreront sensibles à la musique de l'argent…
Un bruit sourd se fait entendre, dans le lointain, bruit confus où se mêlent les sabots des chevaux, le grincement d'une roue mal graissée, des cris, des semelles de sabots de bois frottant le sol accompagnés d'un raclement de métal.
Apparaît une longue théorie de condamnés, tous vêtus uniformément d'un bourgeron* de toile claire avec une calotte de même teinte, portant sabots et reliés à une longue chaîne.
Triste défilé de dos arrondis, de faces pâles aux yeux baissés. Toutes les peines du monde réunies en ce sinistre cortège traînant la lourde chaîne qui les unis en la même détresse. Une odeur terrible de maladie, de corps mal lavés et de souffrance émane de l'ensemble, alors que les gaffes* hurlent après les prisonniers.
Tous s'immobilisent au commandement. Ils ne possèdent aucun droit, hormis celui d'obéir dans l'instant à leurs chiens de garde. Ils ne peuvent s'asseoir afin de reposer leurs membres lourds et endoloris.
Des paniers à salade* sont extraits les condamnés de Grenoble portant poucettes*. L'officier commandant l'escorte et le chef des gaffes* se saluent puis échangent quelques mots. Il est procédé à un appel des nouveaux qui, ensuite, passent dans les mains des gaffes*. Descendant de la charrette, un gardien portant une petite enclume ainsi qu'un lourd marteau et ce qui sembleraient être d'énormes bracelets métalliques, s'approche des prisonniers. Un autre gardien porteur de bourgerons* survient également.
Chaque prisonnier se voit, dans le vent et la neige qui s'est remise à tomber, obligé de se dénuder d'afin d'enfiler cette pauvre tenue qu'il se devra, dorénavant, de porter pendant le voyage avant que de revêtir la tenue rouge et verte des forçats, puis, sur un signe, relève le bas de la jambe de pantalon où, avec dextérité née d'une longue habitude, le gaffe passe un bracelet qu'il maille aussitôt qu'avant de le relier à la chaîne commune. Après, seulement, leurs sont ôtées les poucettes qu'alors les fusils ne baissent pas leur menace.
Essayant tant bien que mal de surmonter sa violente émotion, Breton tente de repérer parmi les gaffes* celui qu'il se pourra d'aborder.
Il se décide enfin pour un gaffe* d'un certain âge, aux cheveux déjà gris.
- Puis-je vous entretenir un instant ?
Breton présente sa requête au gardien qui opine légèrement de la tête.
- Pourriez-vous me les désigner ?
Au final, l'enveloppe change de main ainsi qu'un sac contenant quelques chauds sous-effets* et un peu de nourriture.
Le maillage des nouveaux prisonniers est maintenant terminé. L'officier de gendarmerie cède au chef des gaffes* une chemise de fort carton dans laquelle sont serrés les documents relatifs aux prisonniers qu'il s'en vient de convoyer, puis, d'un ordre bref, commande à son peloton de monter.
Tous les spectateurs de ce sinistre spectacle se sont étirés le long de la route qu'afin les détenus puissent les apercevoir.
Charentais, Languedocien et Guyannais auront le temps de voir leurs compagnons se tenant raides, chapeaux sur la tête et tenant leurs cannes, pointe dirigée vers le sol, en une sorte de salut muet.
Ils s'en viennent, pour la dernière fois, de faire conduite à leurs compagnons enchaînés…
… Les candidats, nerveux et inquiets, attendent en la salle de repas des aspirants. La porte, fermée, est gardée par deux compagnons ayant pour charge d'interdire l'accès de la salle à toute personne non agrée.
Chaque candidat, suivant son tour de paraître, est mené, yeux bandés, en la chambre où siègent les compagnons qui procèdent à la cérémonie.
S'en vient le tour de Briard qui, après avoir satisfait au rituel secret et répondu en règle aux questions, se doit de présenter son chef-d'œuvre de réception.
- Pouvez-vous nous présenter vos acquits en l'ouvrage ?
- Si fait, avec votre permission…
- Faites !
De son sac, Briard extrait ses bois et procède au montage de l'ensemble.
- Est-cela votre œuvre ?
- Oui pays
- Qui donc vous a fait commandement de cet ouvrage ?
- Personne
- Qui d'autre que vous a porté la main sur ces appareils ?
- Personne pays, mais j'ai fais demande à Breton de ses avis et conseils qui de cela me fit connaître qu'il ne pouvait m'aider de la main…
- Breton, est-ce là vérité ?
- Je l'affirme
- Pays, remplissez votre devoir de jugement !
Après examens et conciliabules, les compagnons rendent leur sentence et, par papier, d'en faire-part au premier :
- Briard, vous avez satisfait aux exigences de la règle de notre Société dite du Devoir… Et par moi, recevez félicitations. De votre chef-d'œuvre de réception, en désirez-vous le conserver par devers vous ou choisir d'en faire présent à notre maison* ?
- S'il se peut d'être agréer par notre maison, alors lui en fait présent !
- Grand merci Briard. Mais maintenant Il vous faut choisir curé*, marraine* et parrain* qui ne pourront refuser !
- De curé, je fais demande à Artois. De marraine, je fais demande à Vendéen. De parrain, je fais demande à Breton.
- Soit !
Curé, Marraine, Parrain, que chacun de votre idée fassiez entendre un nom approprié pour notre nouveau pays qui se devra de choisir à sa convenance !
… - Jean, jamais vous ne m'avez conté, mais depuis combien êtes-vous chez les Devoirants ?
- Il s'en fera de vingt ans aux prochaines vendanges, vingt années où, à l'époque de ce jour, je m'apprêtais de bientôt rejoindre comme aspirant, avec d'une part les larmes de ma mère, de l'autre part l'entière acceptation de mon père qui s'en était d'être, lui aussi, Devoirant établi.
Je revois ce moment où le rouleur s'en vint en l'atelier de mon père d'afin me mener avec lui chez la Mère.
Ce jour là, ma propre mère ne put dire mot. J'ai encore sensation de ses larmes me mouillant les joues cependant qu'elle m'embrassait…
De mon père, il me tint par les épaules en plongeant son regard dans le mien, et de jamais n'ai oublié son propos :
- Mon fils, cette porte franchie, tu effectueras ton premier pas de ta vie d'homme ! J'ai en moi sentiment que tu seras de devenir fort bon menuisier, mais surtout mon fils, de t'éloigner de tout ce qui écarte l'homme de son devoir.
Tu auras pour devise : ma fierté est mon honneur !
Mais surtout Jean, de bien te rappeler ta fierté qui ne devra point être mauvaise fierté, celle qui tend à vouloir, en sa suffisance, écraser les autres hommes, mais de la vraie fierté de ta tenue qui se devra d'être en tout point exemplaire, de ta vraie fierté qui se devra d'être celle de ton ouvrage réalisé dans le mieux, de cette vraie fierté qui fera dire à tes futurs compagnons :
Voici là homme d'honneur !
Vois-tu mon Jean, chez nous, bretons, bien souvent sommes traités d'orgueilleux… De fait, il en est ! Mais de cet orgueil qui, sur le devant des avatars, nous fait relever la tête en continuant de marcher de notre pas. La richesse ne chemine point à nos côtés du même train, et du peu que nous possédons, nous le gagnons dans l'honnêteté. La fierté nous tient de ne jamais courber la tête, même en partant pour la galère…
Va mon fils, et jamais de ne l'oublier !
ET LA SUITE…
Cet ouvrage comporte un lexique car nombreux sont les termes inhérents au milieu du compagnonnage ainsi que les mots et locutions propres au XIXème siècle.